Auteurs
Grandval Samuel
Soparnot Richard
Résumé
Le management stratégique et les travaux des théoriciens des compétences dynamiques donnent au dirigeant la capacité d’influencer la performance de l’entreprise. Ils ouvrent ainsi la voie à des réflexions sur la manière dont il façonne l’avenir de la firme. De nombreuses notions comme la vision, l’acuité stratégique, la capacité de clairvoyance témoignent de la volonté de mieux cerner ce que Lauriol (1998) nomme des ressources socio-cognitives. Cette aptitude renvoie à une capacité du manager à comprendre, concevoir, représenter le contexte afin de pouvoir s’y adapter et/ou le construire. Cela revient à valoriser une forme de pragmatisme managérial, voire un management intuitif. L’intuition serait alors une connaissance préalable des évènements futurs. Elle serait assimilée à l’aptitude de percevoir des évènements avant qu’ils ne se produisent. Parallèlement, elle qualifie un dirigeant, un entrepreneur, en référence à ses décisions. Selon Shapiro et Spence (1997), l’intuition est « un processus holistique, non conscient, dans lequel les jugements sont portés sans compréhension des règles ou du savoir mobilisé pour l’inférer et qui peut entraîner un sentiment de certitude, malgré l’impossibilité d’en justifier la raison ». Elle se caractérise donc par trois dimensions centrales : la vitesse d’exécution (par opposition aux décisions à fort contenu analytique), l’inconscience (par opposition aux décisions dont les structures sous-jacentes apparaissent logiques pour le sujet) et la confiance dans la décision (issue d’un sentiment de certitude très fort quant à l’occurrence de l’évènement qui la justifie). Ainsi, si le thème est très populaire du coté des managers, il l’est moins dans le monde académique (Walach et Schmidt, 2005), et en particulier en science du management. Le concept d’intuition demeure vague et souffre d’un manque de fondement conceptuel. L’objet de ce présent papier est d’expliquer à travers différentes théories ce que l’on peut appeler « intuition managériale » et d’essayer de démonter les rouages du mécanisme d’intuition. La constitution d’un cadre théorique propre à cerner cette notion permettra d’échapper à son habituelle acception ésotérique. Pour ce faire, l’apport théorique de différents champs disciplinaires est examiné afin de donner un fondement théorique à l’intuition. Tout d’abord, nous voyons dans quelle mesure la théorie de la cognition managériale contribue à expliquer cette notion. Puis, nous analysons les travaux de la psychophysiologie consacrés à l’intuition. Enfin, les dernières découvertes dans le domaine de la neuroscience sont mobilisées. Si l’analyse des approches théoriques contribue à éclairer les mécanismes de l’intuition managériale et d’échapper partiellement à l’ésotérisme conceptuel initialement évoqué, elle traduit une hétérogénéité théorique quant au déclenchement, à la nature et aux caractéristiques de l’intuition.