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Journé Benoit, Raulet-croset Nathalie

Auteurs

Benoit Journé

Nathalie Raulet-Croset

Résumé

La notion de «situation » rencontre un écho croissant dans le champ du management. Nous faisons l’hypothèse que cela tient à la fois à une évolution des réalités organisationnelles et à l’évolution conjointe des regards portés par les chercheurs en gestion sur leurs objets de recherche (Girin 1990 ; Zarifian 1995).

L’un des courants récent d’analyse des organisations considère l’organisation comme un phénomène en construction (Weick 1979). Cette perspective place les acteurs et leurs subjectivités au centre de la dynamique organisationnelle (l’ « organizing »). Une telle approche s’intéresse particulièrement aux organisations à la recherche de réactivité, de flexibilité et de vigilance, qui développent des modes de fonctionnement originaux qui prennent en compte les aspects flous, ambigus et évolutifs de leurs environnements et de leur dynamique interne (Weick 1995). La question centrale réside alors dans la construction du sens des situations dans lesquelles les acteurs sont engagés. Dans la continuité de cette approche, nous proposons ici de mobiliser la notion de situation en tant qu’échelon d’analyse intermédiaire, qui fait le lien entre la perspective individuelle et le construit organisationnel.

C’est le cas par exemple quand des agents économiques doivent coopérer pour régler un problème de pollution d’une nappe phréatique, alors même que la nature du problème n’est pas clairement stabilisée et que les acteurs concernés ne sont pas tous identifiés. C’est également le cas d’organisations contraintes à trouver dans l’urgence des solutions à des problèmes nouveaux et inattendus, que l’on rencontre en particulier dans les industries à risque (transport aérien, chimie, nucléaire…).

L’un des objectifs de ce texte est de poursuivre l’effort entrepris depuis les année 90 par certains chercheurs (Girin 1990 ; Zarifian 1995) pour affirmer la fécondité de la notion de situation dans les sciences de l’organisation. Nous proposons ici de revenir aux origines du concept de situation, pour mieux dégager ensuite les problèmes de gestion qu’elle permet de comprendre. Deux exemples concrets tirés d’études de cas nous permettront d’interroger empiriquement la notion de situation. L’un porte sur la protection d’une nappe phréatique face à un risque de pollution ; l’autre, sur la conduite d’une salle de commande de centrale nucléaire ayant pour objectif de prévenir tout type d’incident. Dans les deux cas, le concept de situation s’impose ; c’est lui qui permet de comprendre un problème central de gestion : comment s’organise la maîtrise de phénomènes dont l’essence et les frontières sont mal définies (quelle est la nature du problème ? quels sont les acteurs concernés ?), et qui doivent être gérés sous contraintes spécifiques de temps (urgence et  réactivité) et de connaissance (rationalité limitée, découverte  progressive du phénomène à l’occasion du processus d’enquête) ?