Organisation et Animation
Pierre-Yves GOMEZ, Professeur, l’EM LYON
Participants
Mathieu DETCHESSAHAR, Professeur, l’Université de Nantes
Gregory HEEM, maître de conférence, l’Université de Paris-XII.
Objectifs
La théorie des conventions est un courant de recherche dont les caractéristiques méritent une réflexion non seulement sur son contenu, mais aussi sur sa place dans la recherche en gestion. C’est, en effet, un des rares cas où les chercheurs en gestion se sont appropriés une théorie issue de la sociologie et de l’économie pour l’inculturer dans leurs disciplines et en faire un courant de recherche propre à la gestion. Ainsi est née à la fois une formalisation et un mode d’usage des conventions qui, tout en se réclamant de ses origines socioéconomiques, a développé des outils d’analyse et ses observations cliniques de manière à répondre aux questionnements relatifs à des « situations de gestion ». Il en a résulté une série de travaux dans tous les domaines du management (marketing, ressources humaines ou stratégie) dont un récent ouvrage collectif publié chez De Boeck en 2003 et associant des chercheurs de diverses universités et écoles, a marqué à la fois la diversité et la cohérence. Ce courant se caractérise, en second lieu, par le fait qu’il présente une alternative francophone aux théories institutionnalistes aujourd’hui en vogue (Giddens, Granovetter). Deux raisons qui nous conduisent à réfléchir et à débattre sur ses forces et faiblesses, et sur son futur. Ses forces résident dans sa capacité à proposer une grille de lecture simple de la construction sociale de la rationalité économique et de son évolution. Ses faiblesses se trouvent principalement dans les limites de ses méthodologies empiriques, notamment dans les normes du mainstream international. Elles ne sont pas insurmontables mais elles nécessitent une véritable collaboration entre chercheurs pour dégager des méthodes.Cette table ronde nous permettra donc de faire le point sur l’actualité de la « théorie des conventions » après dix années de travaux. On s’attachera particulièrement à mettre en évidence en quoi elle a bénéficié de son ancrage dans les sciences de gestion et en quoi elle peut bénéficier à celles-ci. Pour permettre aux chercheurs de s’exprimer sur ses questions et peut-être sur leur propres travaux en cours, cette table ronde privilégiera l’échange et le débat aux exposés liminaires qui resteront courts.
Mathieu Detchessahar : La recherche en gestion a-t-elle besoin du paradigme conventionnaliste ?
Depuis maintenant plusieurs années, les sciences de gestion se signalent par une volonté d’intégrer une dimension proprement collective dans l’analyse des phénomènes de coordination et de coopération. On le voit à travers le succès de notions comme celles de culture, d’institution, de paradigme ou de représentation collective… et, bien sûr, comme celle de convention qui se présente comme une des tentatives les plus ambitieuses et les plus construites de rendre compte de la dimension collective de la coordination. Plusieurs concepts et notions sont donc candidats pour aider à penser la dimension irréductiblement collective des situations de gestion. C’est, par conséquent, dans ce que chaque auteur ou « courant » nous dit de la dynamique (naissance, vie, mort…) de ces dispositifs collectifs que se trouve la véritable originalité et que l’on peut distinguer chaque notion. Dans cette perspective, il faut s’interroger sur les dimensions politique, symbolique et historique des processus de conventionnalisation.
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Grégory Heem : Une analyse conventionnaliste du contrôle interne. A coté des mécanismes traditionnels de contrôle que sont les procédures, la hiérarchie, les contrats, il existe d’autres mécanismes qui correspondent au processus de socialisation des individus. Le contrôle renvoie à des facteurs qui sont rarement formalisés mais qui pèsent sur les actions des personnes. Le concept de convention d’effort, dans sa prise en compte de la dimension collective de la coordination, permet alors une lecture nouvelle des problèmes de contrôle que connaît l’entreprise.
Pierre-Yves Gomez. Théorie des conventions et institutionnalismes. De l’institutionnalisme à la Veblen à la structuration à la Giddens, de nombreuses théories des institutions ont été proposées. Elles ont pour point commun de privilégier une lecture de la dynamique sociale non pas à partir des seuls calculs ou intérêts économiques, mais en prenant en compte le jeu des institutions qui dépendent mais aussi définissent les règles des comportements individuels. La théorie des conventions s’inscrit dans cette tradition. L’exposé proposera une comparaison critique de quelques unes des théories majeures des institutions avec de la théorie des conventions pour cerner les points communs et les spécificités.