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David Albert

Auteur

Albert DAVID

Résumé

L’étude de cas est pratiquée depuis des décennies par les chercheurs de la plupart des sciences sociales, mais beaucoup, en sciences de gestion, semblent continuer à penser que cette méthode de recherche est réservée à des phases exploratoires et ne permet pas d’atteindre la généralisation, condition de scientificité des résultats. La réponse est simple : l’étude de cas n’est pas réservée aux phases exploratoires, et elle permet la généralisation des résultats. Ce résultat est connu depuis longtemps, pour peu que l’on reformule la question de manière appropriée. C’est ce que nous allons contribuer à faire dans cet article. En reprenant un certain nombre de travaux de référence, nous allons montrer comment il est possible de mieux appréhender la question de la généralisation dans les études de cas et quelles réponses peuvent être apportées. Nous rappellerons tout d’abord la définition, les typologies et les limites supposées de l’étude de cas. Nous aborderons ensuite la place du cas dans les raisonnements et théories scientifiques. Nous verrons, en troisième lieu, pourquoi et comment il faut généraliser la notion de généralisation pour comprendre selon quels mécanismes se fait la généralisation des résultats dans les études de cas. Nous conclurons sur les spécificités de l’étude de cas en sciences de gestion et sur leurs conséquences sur les modes de généralisation des connaissances scientifiques.

Alter Norbert, David Albert, Foray Dominique, Weil Benoit

Organisation et Animation

Albert DAVID, Professeur à l’ENS Cachan

Participants

Norbert ALTER, professeur de Sociologie, Université Dauphine,

Dominique FORAY, Directeur de recherche en Economie, Université Dauphine et OCDE,

Benoît WEIL, professeur de Gestion, Ecole des Mines de Paris

Objectifs

Management stratégique et innovation ont toujours entretenu des rapports à la fois étroits et contradictoires : l’innovation est l’un des moteurs de la croissance et de la survie des firmes, mais l’innovation est aussi perçue comme « anti-managériale », créativité et invention étant considérées comme non gérables par des systèmes de management rationnels.
L’objectif de cette table ronde est d’aller au-delà de ces fausses évidences, en croisant trois regards – celui du sociologue, celui de l’économiste, celui du chercheur en gestion – sur la question des rapports entre innovation et déviance.
Vu du sociologue, le comportement de l'innovateur consiste d'abord à transgresser les normes, et ensuite à les inverser La théorie de l'innovation suppose donc d'intégrer celle de la déviance. Dans un premier temps l'innovateur est un marginal, dans un deuxième temps il est au coeur des institutions. En s'intéressant à ce paradoxe, la sociologie de l'innovation met en évidence que le monde ne se transforme pas seulement par la contrainte, la négociation, le conflit, la concurrence, le consensus ou la Raison, mais aussi par la déviance, la critique des normes établies et la capacité collective à tenir compte de cette critique.
Pour l’économiste, la figure de l’utilisateur-innovateur est une double déviation par rapport à la théorie standard. Le modèle de l'utilisateur-innovateur peut être caractérisé par la non validité des prédictions du modèle standard de l’innovateur : bien que les avantages économiques cités en premier disparaissent, l'utilisateur innove, et bien que l'existence d'externalités réduise le bénéfice privé que l'on peut tirer d'une innovation, l'utilisateur aura tendance à partager et révéler librement son innovation. L'utilisateur-innovateur est donc doublement déviant puisqu'il innove et partage son innovation. Nous examinerons les fondements économiques de cette double-déviation qui est à l'origine d'un modèle d'innovation aujourd'hui en pleine expansion.
Vu des sciences de gestion, il faut changer de perspective sur l’innovation et proposer une modélisation adéquate des raisonnements collectifs de conception innovante. (1) L’innovation ne peut plus être un phénomène aléatoire mais doit être vue comme une activité à organiser avec ses propres principes managériaux, ses outils, ses organisations et ses modes de raisonnement. (2) La théorie C-K (Hatchuel et Weil 2003) propose un cadre unifié qui permet de penser la double expansion des concepts et des connaissances lors du raisonnement de conception innovante. Elle rend compte, grâce à la notion de partition expansive, des surprises et de l’irruption du nouveau inséparable de tout processus d’innovation, ce qui permet de reconsidérer les rapports entre innovation et déviance et de comprendre comment on peut créer de l’inconnu à partir du connu.