Auteur
Frédéric LE ROY
Résumé
De façon paradoxale, le concept de guerre des prix est très présent dans les discours des dirigeants et peu étudié en sciences de gestion. Les rares articles qui lui sont consacrés sont plutôt à destination des managers, dans une approche normative qui revient à dénoncer les guerres de prix pour leurs effets destructeurs sur la rentabilité des industries. En sciences économiques, les recherches sont centrées sur les déterminants des guerres des prix. Trois types de modèles sont développées : les modèles fondés sur l’imperfection de l’information, les modèles cycliques et les modèles fondés sur l’apprentissage.
L’étude de ces recherches antérieures montre donc que la question des implications des guerres des prix pour les firmes en concurrence est rarement étudiées. Cette recherche se propose alors de mieux comprendre les effets de la guerre des prix dans un secteur en dissociant les effets sur l’industrie des effets sur chacune des firmes de l’industrie. La question posée est précisément la suivante : dans quelle mesure et sous quelles conditions une guerre de prix peut-elle être payante pour une ou plusieurs firmes de l’industrie ?
La méthode consiste à étudier un cas de façon approfondie, soit la guerre des prix qui s’est déroulée dans le secteur de la conserve de légumes en France dans les années 1990. Deux entreprises apparaissent clairement « perdantes » dans cette guerre, Boutet Nicolas et Avril, qui disparaissent comme entités autonomes. Inversement, la Cecab et le Groupe Bonduelle apparaissent comme les grands « vainqueurs », et affichent des performances économiques et financières en très forte hausse à l’issue du conflit. Il est donc possible, pour le cas étudié, d’affirmer que « la guerre des prix paie. »
Quatre conditions semblent dans le cas étudié, permettre la réussite de la guerre des prix : 1) l’asymétrie croissante entre les capacités de production des différents opérateurs, 2) la sensibilité au volume, 3) l’absence d’entrants potentiels et 4) la constitution d’un duopole concerté. Le duopole apparaît ainsi comme un état souhaitable et souhaité par les leaders de marché, relativement à une situation de quadriopole qui se traduit par une tendance chronique à la guerre des prix. En dernière analyse, il conviendrait de continuer à s’interroger sur les conditions dans lesquelles la guerre des prix est une manoeuvre stratégique qui peut être payante.